The Bard’s Tale IV, la meilleure soundtrack du monde.

Il n’y a aucune ligne éditoriale sur ce blog (ni sur mes rézosociaux, ni ailleurs). Vous le savez. Cette fois, j’ai envie de parler de la soundtrack pas si connue d’un jeu pas tellement aimé (ceci expliquant cela). Ça ne vend pas du rêve, je me doute bien, mais attendez ! Parce que c’est vraiment une expérience unique dans le monde du jeu vidéo, ne partez pas trop vite. On va parler… Écosse ! Et surtout musique, au delà de celle du jeu.

Normalement ça aurait dû être un simple post sur le fediverse mais je me suis laisser emporter, comme souvent. Au moins, vous aurez plein de sources pour aller plus loin si le cœur vous en dit. Restez jusqu’au bout, on va parler de plusieurs trucs et d’une dame qu’on connait très peu en France. Je suis sure que vous apprendrez au moins un petit quelque chose quelque part !

Screenshot du jeu en question. C'est un paysage automnal rougeoyant, les rayons du soleil filtrent à travers les nuages et les arbres. Derrière une petite barrière en bois, plusieurs cerfs paissent tranquillement au milieu de ruines non identifiées.

Pour celleux qui ne me connaissent pas beaucoup, j’ai toujours eu un certain amour pour l’Écosse dans sa globalité. Et, oui, j’aime aussi la cornemuse. Je ne comprends donc pas les blagues qui en parlent pour se moquer. La cornemuse, c’est BIEN. (Agus tha beagan Gàidhlig agam. ’S e cànan brèagha a th’ ann… J’en parlerais peut-être plus sérieusement un jour si ça intéresse du monde.)

Le jeu

Mais bref, on se recentre. Connaissez-vous la série de jeux vidéo “The Bard’s Tale” ? En tout cas moi non, enfin pas avant une date relativement récente. Il faut dire que le premier est sorti en 85, ça remonte un peu. J’ai découvert sur le tard le jeu publié sous ce même titre par InXile et produit par Brian Fargo, sans savoir qu’il était en fait un projet sans lien avec la série originale et que Fargo n’avait les droits QUE pour le titre… Un petit à-côté bizarre et chaotique, donc. Mais j’avais adoré ce jeu, et même si son humour peut faire parfois grincer des dents, c’était une parenthèse amusante au milieu des jeux de fantasy sérieux qu’on voit habituellement. J’ai bien vu à ce moment là qu’il y avait une trilogie de vieuuux jeux, mais il était bien trop tard pour que je m’y intéresse. Je n’ai rien contre les jeux rétro si j’y ai joué avant qu’ils ne le soient, en fait, sinon ça me provoque une flemme incommensurable.

Un beau jour de 2018 sort cependant le jeu officiellement intitulé “The Bard’s Tale IV: Barrows Deep” . Je me suis donc décidée à tenter, pour voir. C’est somme toute un rpg/dungeon crawler assez classique plutôt axé sur des puzzles basiques, au démarrage difficile (et au milieu, et à la fin), souvent bugué, pas toujours inspiré dans ses énigmes, techniquement daté et qui n’est pas vraiment resté dans les mémoires. Si j’étais une testeuse de jeu-vidéo qui fait un test objectif sur les aspects techniques, je suppose que je lui donnerais une note du genre 5/10.

MAIS.

Et c’est un énooorme “mais”. C’est un de mes jeux préférés.

Chaque élément de ce jeu reflète l’amour de ses concepteurices. Il n’y a pas vraiment de manière objective de l’expliquer, mais on le sent quand on y joue. Quelque chose qui fait que, si on est sensible à son style unique, on s’y attache profondément. C’est ce qui m’a poussé à insister, encore et encore, jusqu’à réussir à m’en sortir (vraiment, quand on n’est pas habituée le jeu essaie un peu trop fort de nous tuer). L’ambiance est unique, c’est une lettre d’amour aux légendes écossaises, et même si une fois encore il est graphiquement un peu vieillot, il y a une beauté naïve dans tous ses paysages et décors. Même ses défauts me font l’aimer davantage.

La musique

Pour accompagner tout ça, on y vient, il y a la musique. C’est Ged Grimes qui s’y colle, avec de multiples artistes et chanteureuses de talent. Chaque morceau est un bijou, c’est indescriptible. On n’écoute pas “une musique genre écossaise” comme bien souvent, la plupart des morceaux sont en fait tout simplement des morceaux traditionnels (mais joliment interprétés). Alors bien entendu, si on n’adhère pas à l’ambiance, le jeu va sembler très long. Mais quoi qu’il arrive il faudrait de toute façon être d’une mauvaise foi incroyable pour ne pas reconnaître les qualités de cette bande-son : les morceaux sont nombreux, ils changent souvent (il y a 3 volumes à la soundtrack, c’est beaucoup pour un jeu à l’ambition aussi modeste), et tous participent à nous faire vivre cette expérience avec le cœur.

Un détail qui m’avait marqué, et à côté duquel beaucoup de gens passeront probablement sans y prêter attention, est que dès le début du jeu et alors qu’on explore la ville, on entend au loin des femmes qui entonnent un chant de foulage (et si vous voulez savoir de quoi il retourne : Wikiki ) Quand on se rapproche, on les aperçoit en plein travail, et c’est vraiment ce sens du détail qui participe à nous immerger dans ce monde. Lors de ma première partie, je suis restée un moment à les regarder travailler en les écoutant, de loin, emportée par le moment.

Bref, je pourrais en parler pendant des heures, mais il est impossible de transmettre une émotion donc ça ne vous aiderait sans doute pas beaucoup. Je ne peux que vous conseiller de tester le jeu (à bas prix, bien évidemment, j’ai parfaitement conscience de ses nombreux défauts), mais aussi de donner une chance à l’écoute de ses soundtracks. Je ne sais pas si elles seront aussi efficaces écoutées séparément du jeu, mais au pire vous saurez vite si ça vous plaît ou non !

Pour vos oreilles

Et d’ailleurs, je parle je parle mais ça serait cool de pouvoir écouter cette merveilleuse musique, n’est-ce pas ?

Ça tombe bien, il y a plusieurs options simples et légales pour le faire. On peut tout d’abord trouver le premier volume sur Bandcamp.

La chaîne Youtube de Ged Grimes propose l’écoute intégrale des 3 volumes via des playlistes :

Ils sont aussi sur Spotify :

Si vous avez déjà joué au jeu, vous noterez cependant une absence inexpliquée : la version de “Snow in summer” entendue pendant l’écran titre. Ne me demandez pas, je ne sais pas du tout pourquoi elle n’est pas dessus. Mais si vous voulez profiter de cette voix à l’accent qui roule comme un joli caillou le long d’une colline, elle est là parce que je suis trop sympa :

J’aimerais avoir un morceau à vous conseiller pour vous faire accrocher à ces excellents albums à coup sûr, mais ils sont bien trop différents les uns des autres. Si ça peut aider, l’un de mes morceaux préférés est “O Tha’ N Tombaca Daor“, mais en général je lance simplement les 3 volumes de l’ost à la suite, pour mieux me replonger dans l’ambiance. Si vous aimez ce morceau, je peux vous conseiller également cette interprétation par Čipkice, un chœur féminin croate (Par contre il vaut mieux ne pas mettre les images qui sont un merveilleux concentré de sexisme, c’est insupportable) (Il est aussi sur Bandcamp, mais il reste le logo qui me donne envie de trouver la personne qui l’a inventé pour lui faire beaucoup de mal).

Pour y revenir, je crois que l’òran-luaidh que l’on croise en jeu est “Iomaraibh Eutrom” (Il me semble que c’est celle-là, en tout cas, ça commence à faire un moment que j’ai joué…Si ce n’est elle, alors c’est “Gur Tu Mo Chruinneag Bhòidheach” ) Vous pouvez aussi en entendre une version chantée par une seule chanteuse, et enregistrée en 1953, par ici : “Iomaraibh Eutrom Hò Hò” Je trouve cet enregistrement immensément émouvant, sans trop savoir pourquoi.

Pour écouter d’autres chants de foulage, il y a des exemples par là. Vous pouvez aussi taper “Òrain luaidh” dans youtube, il y aura probablement des résultats satisfaisants. Et pour d’autres enregistrement de chants traditionnels gaéliques venus du fond des âges, il y en a une gigantesque collection accessible par ici. Attention, la qualité des plus anciens donne l’impression d’écouter l’invocation d’un démon random dans un film à petit budget. A ne pas écouter la nuit, surtout quand on est seul·e.

Rona Lightfoot

J’aimerais, pour finir, parler de ce morceau, interprété ici entièrement a capella par Rona Lightfoot, Lal, lal, ars’ A’Chailleach.

Ou plutôt, j’ai envie de profiter de sa présence sur la soundtrack pour parler de madame Lightfoot, presque inconnue chez nous, qui nous a hélas quitté en mai 2023. Vous pouvez en apprendre plus sur sa vie en cliquant sur ce lien ici là, mais attention c’est une archive donc le chargement prend du temps, et c’est en anglais. J’aurais pu vous renvoyer à Wikipédia mais la page est pauvre, et n’est pas à jour concernant son décès.

Pour vous faire un résumé, Rona a été bercée par la musique toute son enfance, son père étant un joueur de cornemuse et sa mère une source inépuisable de chants traditionnels. Elle a commencé à jouer de la cornemuse vers 9 ans, a suivi des cours, est devenue une très bonne joueuse et participait à beaucoup de concours. Mais tous ne lui étaient pas ouverts car elle était, hé oui, une femme. Elle a donc harcelé les instances décisionnaires jusqu’à obtenir une dérogation spéciale, valable une seule fois, pour participer au Bratach Gorm. Ça n’a pas changé le monde de la cornemuse immédiatement, mais son talent étant de plus en plus reconnu avec les années elle a fini par devenir la première (et actuellement la seule) femme présidente de la Inverness Piping Society. De nos jours, il y aurait 30% de joueuses de cornemuse. On ne réalise pas toujours tous les petits combats nécessaires à l’égalité de genre, mais Rona Lightfoot a participé à ces combats à son niveau, dans sa branche.. Il faut comprendre que les domaines très masculins mettent vraiment longtemps à bouger, si ils bougent jamais un jour. Il a fallut attendre 2015 pour que la RSPS (la Royal Scottish Pipers Society, à Edinburgh) accepte les femmes. C’est énorme. C’est terriblement tard.

Oui, je sais, encore une occasion de parler de féminisme. J’arrêterais le jour où le monde arrêtera d’être sexiste, deal ?

Vous pouvez profiter d’une interview de madame Lightfoot ici, où elle évoque cette question. Et si vous voulez écouter une autre version de Lal, lal, ars’ A’Chailleach enregistrée en groupe, qui respire une douce joie de vivre et donne envie d’être là, avec ces gens, c’est par ici que ça se passe. Et juste en dessous, parce que j’ai envie.


Mòran taing airson seo a leughadh! Merci beaucoup d’avoir lu tout ça ! Si j’ai pu vous transmettre un soupçon de mon amour pour ce jeu et surtout pour sa musique, ou pour des enregistrement obscurs de chansons en gaélique potentiellement terrifiantes, ou encore vous faire découvrir Rona Lightfoot, ça valait le coup. À la prochaine fois pour un autre article sans aucun lien avec rien, parce que pourquoi s’en priver ?

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