Deponia, cas d’école de l’humour oppressif

Article paru originellement le 23 Octobre 2015. Le jeu existe toujours et bénéficie d’une excellente critique, donc je juge que cet article mérite toujours sa place ici.


Content Warning : sexisme, racisme, transphobie, et j’en passe.

J’aime Daedalic. J’aime vraiment cette petite boite, depuis que j’ai pleuré à la fin de Whispered World, que j’ai adoré suivre les aventures de Sadja et Geron dans Memoria, que j’ai été émue dans Night of the Rabbit. Jamais je n’avais envisagé une lecture critique de leurs jeux, je n’en attendais que du plaisir.

Mais ça, c’était avant Deponia.

Deponia est une trilogie de jeux sortie entre 2012 et 2013, dans laquelle nous suivons les aventures de Rufus, le personnage le plus détestable qui soit, dans une tentative désespérée pour sauver sa planète… Non, pardon, pour sauver son propre derrière. Deponia est en effet une sorte de planète poubelle, au dessus de laquelle “flotte” Elysium, où la vie est simple et agréable. Problème : les Elysiens pensent que Deponia n’est plus habitée, et veulent la faire exploser. Rufus fait donc son possible pour aller vivre sur Elysium, pour lui aussi avoir la belle vie. Quelle abnégation. J’aurais pu y jouer avant, mais la perspective de me lancer dans 3 jeux à la suite ne m’enchantait pas, j’ai donc repoussé l’échéance… Et si j’avais su, je n’y aurais tout simplement jamais joué. Aucune critique que j’ai pu croiser sans recherche spécifique (donc après coup, hélas) ne m’a préparée à un tel déchaînement de violence haineuse. Oui, on parle bien d’un gentil jeu d’aventure Daedalic. Alors, en quoi consiste cette violence ? Attention, ça va spoiler sévèrement, si vous voulez faire les jeux (ce que je ne conseille absolument pas, mais soit), ne lisez pas cet article.

– Rufus. Rufus est donc le “héros” des trois jeux. Ce personnage seul concentre ce qu’il y a de détestable en l’humain : ego-centré à l’excès, prétentieux, misogyne… Et, de manière générale, une personne lamentable. Contrairement à ce que j’ai pu voir, il n’est pas simplement un “anti-héros” (il y en a des centaines), on ne lui reproche pas son “imperfection”. Je lui reproche d’être le même genre de crétin qu’on croise partout, un genre d’incarnation de 4chanien, avec les idées qui vont avec, et parfaitement au premier degré. Sous son enrobage joli, Deponia est un ensemble de vies brisées, parfois très salement, par Rufus. Il détruit tout ce qu’il touche, mais on doit y voir de l’humour. Ainsi, quand il fait manger une chaussure à un SDF, tout en lui disant de ne pas faire la fine bouche, on doit rire. Ahah. Quand il fait de multiples remarques (je me souviens de quatre occurrences, mais j’en oublie peut-être…) sur le fait que son ex lui a demandé de faire le ménage, pareil. Imaginez : un homme qui passe la serpillière ! Honteux. Certaines actions, beaucoup en fait, m’ont mises totalement mal à l’aise, comme le passage où il faut jouer un parfait PUA (et où la phrase “ta bouche dit non mais tes yeux disent oui” est utilisable…). Il fallait les accomplir pour terminer le jeu, mais c’était plus écœurant qu’amusant. J’y reviendrais.

– Goal. C’est “le personnage féminin” de Deponia. Alors je vous laisse déjà apprécier son nom… Car oui, elle le porte très bien. Obtenir Goal est le but de Rufus. Ça, et se sauver au soleil. Je joue depuis longtemps, mais je crois n’avoir jamais vu un personnage aussi maltraité. Elle passe le premier épisode inconsciente, suite à une chute depuis Elysium (causée par Rufus). D’ailleurs, c’est l’occasion de faire quelques remarques salaces sur le fait de profiter de son inconscience. Blagues sur le viol ? Allons, vous n’y pensez pas (si, c’est bien de ça qu’on parle.). Mais il y a pire : la personnalité des Elysiens est stockée sur des cartouches de sauvegarde. Après sa chute, Goal ne va pas très bien, et un docteur propose d’arranger cela : il lui faut simplement une nouvelle cartouche de bonne qualité. Une fois encore, l’égoïsme de Rufus (il veut une sucette obtenue en cadeau si on achète une cartouche de mauvaise qualité…) va conduire à une catastrophe : la personnalité de Goal explose en 3 parties, qu’il faut chacune stocker sur une cartouche différente. Nous allons ensuite passer l’essentiel du second jeu à convaincre chaque personnalité de retourner voir le docteur. Et quelles personnalités… La première est celle d’une “lady”, quoi que cela veuille dire. Goal est alors très snob, il faudra lui offrir un dîner pour la convaincre, dîner qu’elle va annuler car elle aura croisé un homme “plus classe, plus riche et mieux habillé”. Outch. Sa seconde personnalité est “méchante”. Une femme agressive et détestable (qui d’ailleurs est la plus proche de Rufus), avec qui il faudra se battre pour gagner son approbation. Je vous laisse admirer la différence de tenues pendant le match :

La dernière personnalité est celle d’un “bébé”. Goal est alors idiote et joyeuse, comme un cliché de petite fille. Ces trois personnalités représentent chacune de parfaits portraits misogynes : ce à quoi on réduit les femmes le plus souvent. Et, une fois encore, techniquement il s’agit là de la personnalité totale de Goal scindée en 3. Elle ne serait donc que ça, ces trois horreurs, quand bien même la Goal “normale” ne présente aucun de ces traits de caractère. Mais le pire (car il y a pire…) c’est que Rufus peut passer d’une personnalité à l’autre grâce à une télécommande.

Oui.

Une télécommande. Ce qui l’amuse beaucoup.

*Soupir*

Rufus va ensuite aller jusqu’à tuer Goal par inadvertance, ou du moins le croire longtemps, tenter de la cloner pour ne pas la perdre et considérer pourtant qu’il la “sauve”. Tout au long des jeux, Goal va souffrir à cause de lui, jusqu’au paroxysme (sa mort), mais Rufus ne se remettra jamais en cause. Pire, on va nous inciter à rire de ses malheurs, alors que ce qui lui arrive est objectivement horrible, parce que Rufus ne pense pas à mal, après tout. Puis c’est drôle. Ce qui ne l’empêche pas, on ne sait par quel miracle, de se mettre à l’aimer (renforçant subtilement au passage l’idée qu’on peut maltraiter une femme et qu’elle nous aimera quand même, voire qu’elle nous aimera pour ça. Yeah.) Au début du dernier jeu, elle va également proposer un plan “sous-vêtements” gratuit, parce que quel est l’intérêt d’avoir un perso féminin si on ne peut pas la voir à demi nue ? Et puis il fallait bien un artwork pour la version physique du jeu, alors que la plupart du temps, elle est vêtue correctement. Goal est un très gros reproche à faire au jeu, certes, mais hélas, ça n’est pas le seul.

– Toni est l’ex copine de Rufus et, globalement, la seule personne valable du jeu. Pourtant, on la voit assez peu (hélas). Chaque fois qu’elle croise notre route, elle a des anecdotes horribles à raconter sur sa vie commune avec Rufus, et chaque fois Rufus tente de la pousser à bout. Précisons tout de même qu’au début du jeu, on commence chez elle : ils sont séparés mais elle le laisse vivre avec elle pour qu’il ne se retrouve pas à la rue. On a vu pire, comme ex démoniaque… Et les remarques de Rufus sur le ménage, dont je parlais plus haut, deviennent encore plus pénibles. Vivre à ses crochets ne suffisait visiblement pas, il refusait également de participer à l’entretien. Un homme décidément charmant.

Toni est une personne blessée, qui va faire une dépression à cause de Rufus. Au cours du dernier jeu, elle sera suivie par un thérapeute qui va finir par lui prescrire une corde. Humour. Cette “blague” est l’occasion de soulever un point important : on pourrait considérer que, finalement, toute l’ambiance dégueulasse du jeu est causée par Rufus, ce non-héros bien pratique, mais que c’est une satire (en tout cas si on est de très très mauvaise foi). Soit. Sauf que, tout d’abord, pour que cela fonctionne il faudrait que l’environnement montre à Rufus qu’il a tort, ce qui n’est pas le cas : il va de plus en plus loin, et personne ne l’en empêche ou ne le contredit. Et surtout, ce genre de “blagues” comme celle sur le suicide ne sont pas dues à Rufus. Il y aura d’autre exemples, mais c’est important de le noter très vite. Certes, il est la cause de beaucoup d’horreurs mais l’environnement en propose bien d’autres dans lesquelles il n’est aucunement impliqué. Quand une “satire” copie la réalité à l’identique sans aucun recule, ce n’est pas une satire.

– Bozo est l’allié de circonstance de Rufus (il se joint plus ou moins à lui pour agir contre la destruction de Deponia), et également un personnage extrêmement maltraité. On le rencontre alors que Rufus cherche une solution pour “gérer” la personnalité méchante de Goal. Bozo prétend alors “savoir s’y prendre avec ce genre de femmes” (…) car sa petite amie est une mégère. Que c’est original.

Il prévient également Rufus de faire attention parce que “gérer trois femmes” (pardon ?) semble une tâche insurmontable.

Rufus le prend à ce moment du jeu pour un pirate, insistera au delà du concept même de lourdeur (visiblement, les développeurs de Deponia ne connaissent pas l’adage sur les blagues les plus courtes…) pour lui faire admettre qu’il en est un, alors que Bozo possède simplement un bateau. Il est également un gentil nounours (malgré les exemples de misogynies cités au dessus, mais il n’y a visiblement aucun homme qui ne le soit pas dans Deponia). La preuve est faite plus tard, lorsqu’il explique à Rufus qu’il est séparé de sa Bambina et n’ose plus y retourner. Notre héros stupide va alors le pousser à aller la voir, organiser un minimum la rencontre, et faire en sorte que globalement les astres soient propices à leurs retrouvailles. Mais, alors que la première tentative se solde par un échec et que Bozo est mis à la porte (d’ailleurs, Bambina ressemble plus à une partenaire violente qu’à une “simple” mégère…), Rufus humilie totalement Bozo, allant jusqu’à ignorer ce qu’il dit par un “j’ai cru entendre parler un paillasson”. Un homme qui sort de la maison d’une femme quand celle-ci le met à la porte ne vaut pas mieux qu’une carpette, bien entendu. Un Véritable Homme se serait imposé. Finalement, Bozo va pouvoir utiliser sa phrase magique, celle qu’il a vanté à Rufus comme étant capable d’amadouer même les “tigresses” (sic) et cette phrase est en gros “salut poupée, tu viens souvent par ici ?”. Vraiment. Je suppose que c’était ça ou “salut mamzelle t’aimes quoi dans la vie les tabourets ou les autruches ?” Seul point positif, Goal ne réagira pas à ce pathétique cliché quand Rufus l’utilisera sur elle.

Mais Bozo est également l’occasion pour le jeu de se vautrer dans la psychophobie (encore). Dans le jeu suivant, alors qu’il a tout perdu grâce aux bons offices de notre ami Rufus, il fait une dépression. On le retrouve donc chez ses parents, dans sa petite chambre d’enfant, en grenouillère, pas coiffé, et le plus souvent couché. Une fois encore, l’occasion de se moquer de ce gros bébé qui pleurniche. Pour le guérir, Rufus va simplement l’énerver jusqu’au point de rupture. Finalement, la dépression, c’est juste un manque de volonté, n’est-ce pas.

– le docteur est également un personnage important. Globalement, il se contente de misogynie “classique”, sur sa femme, les femmes en général, parce qu’elles sont idiotes et ne comprennent rien à rien. La chose amusante c’est que ce personnage (le vieux misogyne) est repris ailleurs dans le jeu, tel une copie carbone. Comme si un homme, surtout après un certain âge, n’avait rien de mieux à faire que se plaindre des femmes à toute heure du jour et de la nuit, comme si c’était l’essence même de leur caractère. Palpitant. Heureusement, Rufus est un gentil à côté, il se contente de faire des blagues. Ah ah ah. Une fois encore : aucun homme de Deponia ne semble épargné par la misogynie, même les personnages randoms.

– Lotti n’est pas un personnage central, mais elle est la victime de certaines des pires blagues du jeu, et pour moi elle représente ce que certains de mes privilèges m’avaient tout simplement fait manquer dans le premier épisode. En effet, dans les toutes premières minutes du jeu, on rencontre une réceptionniste. Sauf que cette réceptionniste est clairement un homme en robe, avec de la barbe, qui parle avec une voix artificiellement aiguë et tombe parfois dans les graves quand elle s’énerve. Ne me demandez pas comment j’ai pu passer à côté de la transphobie de ce personnage. Ou plutôt si : c’était vraiment au tout début du jeu, je ne savais pas ce qui allait me tomber dessus, et j’ai cru naïvement que la blague n’était que ça : ils n’ont pas trouvé de femme pour être réceptionniste, alors ils ont mis un homme déguisé. En fait, j’ai même pensé que ça illustrait bien le cliché selon lequel il faudrait que lae réceptionniste soit toujours une femme. Plus tard, on découvre que Lotti est en fait une femme trans, et… Comment dire. Le malaise, rétrospectivement. On va même lui voler ses hormones pour une quête pour transformer un inconnu en femme. En passant, voilà le résultat :

Je me demande pourquoi ce personnage a le droit d’être “physiquement” une femme, alors que Lotti ne reste qu’un homme à barbe qui se force à parler aiguë. Pourquoi cette différence de traitement, à part pour les besoins idiots de l\’histoire ? Car il fallait que ce personnage devienne une femme “sexy” pour que les deux autres se battent pour elle (oui, on aura noté la référence Nintendo malgré sa subtilité), alors que Lotti n’est qu’une personne sur laquelle on peut faire des blagues de merde. La justification de son existence n’est que cela, servir de défouloir facile. A ce moment de l’histoire, on la retrouve amie proche (en couple ?) avec Bambina, dans une organisation de révolutionnaires. L’occasion pour Rufus de parler sexisme… Pardon, d’être sexiste tout en le niant. Le dialogue est le suivant, après qu’il ait exprimé son scepticisme de voir des femmes dans la résistance :

– C’est parce que tu es sexiste ?

– Ça n’a rien à voir avec le sexisme. C’est juste que certaines choses ne vont pas ensemble. Les femmes dans la résistance… C’est comme, tu vois, mettre un sombrero sur un wombat.

(Pause, rire de Lotti, Rufus reprend)

– Tu vois, même Lotti pense que c’est drôle. Et je n’ai rien contre les wombat, je pense que ce sont des animaux très utiles… Comme les femmes.

Il manque la fin du dialogue, j’étais trop choquée pour penser à screener, mais il suffit de regarder un walkthrough sur Youtube si vous avez envie de vérifier par vous-même.

Sérieusement. La. Violence. Du. Truc.

En tant que gameuse, je crois ne m’être jamais sentie aussi directement insultée dans un jeu, et pourtant j’en ai eu quelques uns dans les mains. Peu après, nous assistons à une piètre tentative de se dédouaner lorsque ces deux femmes cherchent un tatouage commun. Rufus propose des poneys, des dauphins ou des pattes de chats, se fait alors traiter de macho par Bambina, et Rufus s’emmêle dans un “oui, voilà, c’est ça, je suis macho. Ça n’a rien à voir avec le fait que j’aime les papattes de chats… Ahah… Pas du tout.” L’ironie de cette phrase est résolument déplacée. On sait qu’il propose une sélection de motifs perçus comme féminins, et on sait que c’est un misogyne notoire. Jouer sur le cliché qu’il serait préférable de passer pour un macho que pour un homme “qui aime les chat” ne peut plus fonctionner depuis longtemps. On sait ce qu’il pense, on sait comment il agit, on sait qu’il est au premier degré.

– Le singe. Le singe est en réalité un homme. Le problème, c’est que quand je suis passée la première fois devant, j’ai cru que c’était vraiment un singe. Franchement, regardez cette image :

(Sur laquelle on aperçoit également une blague sur la pédophilie parce que, à ce stade de l’aventure, yolo ! J’ai même pas envie d’en parler.)

Mais assez vite on comprend qu’il parle, et qu’il a un vague accent… Oui, le premier personnage de couleur du jeu (je dirais arabe, vu l’accent) incarne un singe, et en a le physique. Ne vomissez pas tout de suite votre déjeuner, le pire est à venir…

Le deuxième personnage de couleur (et je crois le dernier) est une femme noire, en couple (heureux) avec le SDF de l’épisode précédent. Ils sont bien, ils font leur vie, et Rufus va la briser en les séparant (physiquement, les étages de cette ville-poubelle ne communiquant que peu entre eux). Écrire sur cette partie du jeu m’écœure, mais c’est important. Le “singe” (il ne gagne pas de nom, et je ne me souviens pas si la femme en a seulement un non plus…) paye Rufus pour lui trouver un nouveau danseur une fois que le musicien est parti. Plus exactement, pour trouver un nouveau singe. Oui, vous le voyez venir, et je l’ai vu aussi en espérant que j’hallucinais : on va convaincre la femme d’être un singe. Et on va être payé pour ça. Femme qui, quand on lui expose le plan, explique avoir été draguée par “le singe” de façon désagréable, et qu’il lui fait peur. Oui, peur. Et notre brave Rufus de lui faire un discours sur le bonheur d’avoir un vrai travail, et de se forcer un peu, etc, jusqu’à finalement la convaincre.

Et voilà.

Pour parfaire le tableau, il faut savoir qu’elle n’est pas payée avec le peu d’argent récolté, mais qu’il revient à Rufus pour l’avoir ramenée. Je veux dire, dans quel monde est-il OK de payer un homme blanc pour ramener une travailleuse noire qu’on ne va pas payer, qui plus est pour la faire jouer -un singe-, l’insulte raciste par excellence ? C’est tellement ignoble, à tellement de niveaux, que je ne sais pas quoi ajouter. A part “donnez moi vite une bassine”.

– La grosse vendeuse. La grosse vendeuse n’a pas de nom, elle est là pour être grosse et moche. Ce personnage à la personnalité complexe cherche un assistant. Un petit panneau à côté d’elle indique qu’elle cherche un assistant masculin. S’en suit un dialogue se voulant moqueur pour Rufus :

Rufus : “Assistant masculin recherché” ? Elle peut toujours chercher.

Vendeuse : Je cherche un beau mec pour travailler sous mes ordres.

R : Héhé, dommage, je suis occupé.

V : J’ai dit “beau mec”, non ?

Sauf qu’une fois encore, la volonté du jeu de se dédouaner de ses horreurs en les cachant sous un vague “on se moque aussi de Rufus !” tombe à plat. Ce n’est pas de Rufus dont on rit ici, mais du décalage entre le physique de la vendeuse et ses aspirations. Une femme laide qui cherche un bel homme ? Elle devrait se contenter de ce qu’elle trouve (Rufus, en l’occurrence. Urk.) Finalement, après avoir séparé le couple cité plus haut, c’est à elle qu’on va “refourguer” l’ex sdf, ni plus ni moins. Elle devient alors une sorte de parasite étrange, collé à lui et qui l’utilise comme une marionnette (littéralement, hein). J’ai tenté de ne pas y voir une analogie avec le cliché des femmes trop attachées à leur copain, mais j’ai visiblement échoué.

Bref, je pourrais parler encore de la manière dont on voit les femmes dans ce jeu

Des blagues sur les règles (une fille qui parle et ce qu’elle dit n’a aucun sens parce qu’elle a visiblement un problème mental ? “Elle a ses règles ?” dans le plus grand des calmes.)

Ou la manière dont Rufus harcèle sexuellement Goal une fois où ils se retrouvent par hasard dans une chambre

Mais je pense que vous avez saisi l’idée générale. Il n’y a rien à sauver de ce jeu. Toutes ses prises de positions morales sont déplorables, et tout·e joueur·euse non homme-cis-hétéro-blanc se trouvera insulté à un moment où un autre. De plus, je ne sais pas si c’était prévu comme ça ou si l’équipe a (mal) réagi à des critiques, mais on note une escalade évidente dans la violence. Le premier est désagréable, le deuxième vraiment difficile à supporter, mais le troisième est très violent, nausée à tous les étages.

A la fin de ces jeux, j’ai vraiment regretté de ne pas avoir les compétences techniques pour faire un jeu réellement misandre. Histoire de montrer à quoi ça ressemble de se faire insulter toutes les trois minutes alors qu’on tente de s’amuser. Mais à quoi bon : un homme qui se sentirait insulté dans un jeu n’aurait qu’à l’éteindre et passer à autre chose. Pour les femmes, c’est simplement un petit élément dans la longue continuité du sexisme systémique. Pour nous, il n’y a pas de réelle différence entre les violences proposées par un Deponia et notre vie quotidienne. Il en va de même pour toutes les catégories de population insultées dans ce jeu. Mon chéri a eu une phrase que je trouve assez juste : ce n’est pas simplement “pas un jeu pour moi”, c’est un jeu “contre moi”. Alors Goodbye Deponia, ce ne fut pas un plaisir.

PS HS : Peu après avoir terminé Deponia, j’ai lancé World End Economica. C’est une visual novel sans choix, un roman animé, ce que vous voulez, et je n’ai pas pu le terminer. Le personnage principal est un sociopathe misogyne -dangereux- qui passe son temps à fantasmer de blesser un personnage féminin, la “mettre à genoux” (sic), et visiblement désire même diffuser des photos d’elle nue sur Internet, mais je me suis arrêtée avant ce passage, et vu cela dans une autre critique. Il est vraiment d’une violence disproportionnée, ne supporte pas qu’elle parle, ni qu’elle reste silencieuse, et pire encore, se sentir inférieur à elle. Un vrai petit simulateur de MRA. Donc pour continuer dans les bons conseils : ne vous infligez pas ça. J’ai tenu trois heures, et même si il s’améliore après (ce dont je doute) c’est trop tard. Plusieurs remarques sur les “personnes XX” et leur comportement supposé me laissent à penser qu’on ne change pas une personnalité aussi profondément tordue, comme le montre cette réaction du héros devant la fille alors qu’elle est simplement triste :

Quand la première chose à laquelle tu penses quand tu vois une femme triste c’est “les personnes avec des chromosomes XX jouent la comédie”, il faut sérieusement penser à te remettre en question (et à consulter, c’est proprement terrifiant un tel manque d’empathie). Sans parler du fait que parler des chromosomes XX ou XY est ridicule et que la question du genre est “un peu” plus compliquée.

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